
Docteur- Ingénieur
des Ponts et Chaussées de Côte d’Ivoire
Lorsque nous étions jeunes, chaque fois que le Président Felix Houphouët-Boigny devait former un nouveau gouvernement, nous étions tous certains que le Docteur Menin serait appelé au gouvernement. Mais que non !
Cette paraphrase des propos du Docteur Silué Siélé, Conseiller spécial du Premier Ministre, tenus le 26 février à Cocody Palm Club Hôtel, lors de l’Assemblée générale extraordinaire du Comité National Côte d’Ivoire pour la route (CNCI-Route), en hommage au Docteur Menin, en dit long sur les qualités de l’homme.
Notamment sur sa
formation, son professionnalisme et ses valeurs morales
dominées par une quête effrénée du savoir, l’humilité et
du sens du partage. « C’est la technique qui m’intéressait,
je voulais faire de la recherche », répond-t-il dans cet
entretien réalisé en mars 2019. Et d’ajouter, au regard
de sa carrière : « Tout était prévu pour que je devienne
un spécialiste. Je suis devenu Directeur Général du LBTP
après avoir tourné parce que tout était prévu ».
Il rappelle un courrier du Ministre des Travaux Publics en
1970 adressé au Directeur Général du Lbtp, un Français
du Cebtp « Je vous affecte deux ingénieurs ivoiriens, le
premier vient pour être Directeur-Adjoint, mais le second
monsieur Menin, vient pour être un Spécialiste ».
En effet, pour des anciens étudiants de l’Ecole Nationale
Supérieure des Travaux Publics (Enstp Abidjan puis
INPHB Yamoussoukro) qui forment des Ingénieurs
Génie Civil, monsieur Menin est non seulement un grand
Technicien mais aussi un grand Serviteur de l’État à qui
on aurait prédit un destin plus ‘‘glorieux’’ dans cette
Nation. Pour la simple raison qu’il est le premier Docteur-
Ingénieur ivoirien, sorti de l’Ecole Nationale des Ponts
et Chaussées (Enpc Paris-France) en décembre 1980
avec un doctorat obtenu avec la mention « Très bien ».
Le thème de sa thèse : ‘‘Le comportement mécanique
d’une couche de base en graveleux latéritiques améliorés
au ciment, cas des routes de la Côte d’Ivoire’’.
Deux ans auparavant, il décrochait un Certificat d’Etudes
Supérieures en Infrastructures et Transports dans la
même Ecole.
Ce voyage d’études en 1977 à l’Enpc Paris France a été
possible suite à l’obtention de son diplôme d’Ingénieur
des Travaux Publics en Côte d’Ivoire à l’Enstp d’Abidjan
en 1969 après 5 ans d’études, un poste de chargé
d’études du LBTP de 1970 à 1971, suivi d’un stage de
spécialisation au Centre expérimental du Bâtiment et
des Travaux Publics Cebtp Paris France en 1972 puis,
Chef de Service des Etudes géotechniques routières de
1973 à 1977.
Toujours actif, après 50 ans de vie professionnelle.
Aujourd’hui, c’est un homme qui revendique cinquante
ans d’expérience professionnelle dans le domaine des
routes. Notamment dans « les études géotechniques et le
dimensionnement des chaussées neuves et de renforcement,
de contrôle de travaux de construction d’ouvrage d’audits
techniques, des études d’impact environnemental et des
études de matériaux de construction. Il a été chargé de cours
de mécanique des sols puis de cours de route à l’Enstp et
l’Inphb » (1976-1977, 1981-1997).
Le métier l’a conduit sur de nombreux chantiers, à
commencer par son premier stage à la Subdivision des
TP d’Adzopé (1969-1970) en tant qu’ingénieur.
Plus tard, il sillonnera toutes les routes de presque
toutes les régions du pays avant de s’installer en Afrique
de l’Ouest et centrale. Sans oublier qu’il fit partie de
la délégation ivoirienne qui partit à Génève (Suisse)
en 1974 pour des échanges techniques sur le projet de
construction de l’Autoroute du Nord Abidjan-Singrobo.
Il a été aussi consultant pour le Pnud sur l’Agenda
21 (après la Conférence de Rio), la Banque Mondiale
(politique de formation du personnel de l’Entretien
Routier de Côte d’Ivoire, l’étude de la route Bangui au
sud Cameroun- Centrafrique)
Le Docteur Menin Messou a allié la vie de technicien,
d’enseignant-chercheur, d’Administrateur puisque ayant
été chef de cabinet, puis directeur de cabinet de plusieurs
ministres (contre son gré), Directeur des Etudes et
Programme au Mtptcpt, Directeur de la Programmation
aux Grands Travaux et enfin, Conseiller Technique au
Ministère de Tpcu, successivement sur la période de
1981 à 1990.
Tout en faisant un clin d’oeil à la vie parlementaire
puisqu’il fut député des sous-préfectures d’Aboisso et
de Maféré (1990-1995). Un détour d’ailleurs jugé trop
long.
Son dernier poste dans l’administration a été celui de
Directeur Général du Laboratoire du Bâtiment et des
Travaux Publics (Lbtp 1996-2001). Là même où il avait
fait ses armes aux côtés d’ingénieurs français (1970-
1977). C’est aussi là où il a recruté et a travaillé avec
de nombreux jeunes ingénieurs qui font la fierté de la
coorporation dont le Docteur Amédé Kouakou, actuel
Ministre de l’Equipement et de l’Entretien Routier.
Une petite histoire de son arrivée dans les Travaux Publics.
Des opportunités de bourses d’études en France lui
furent offertes après son baccalauréat Mathématiques et
Techniques (qui correspondrait au BAC E actuel) obtenu
en 1964 au Lycée Technique d’Abidjan, en tant que
membre de l’Association ‘‘Jeunes Sciences’’.
Il a perdu cette opportunité parce qu’il rêvait d’étudier « la chimie industrielle ».
La raison, : il n’a pu suivre le communiqué à la Radio
l’invitant à se présenter au Ministère de l’Education
nationale au Plateau. Son tuteur n’ayant pas de poste
de radio.
Quand il fut informé par des camarades quelques jours
plus tard, il se rendit au Plateau. Là, il s’est entendu dire
par le Directeur qui le recevaiit que c’était déjà trop tard
pour la bourse «Jeunes Sciences France». Ce dernier lui a
proposé d’aller étudier les mathématiques et la physique
(MP) ou la physique et la chimie (PC) à l’Université
d’Abidjan qui ouvrait ses portes en cette année 1964 car
le pays recherchait des bacheliers scientifiques.
« J’étais tellement découragé que j’ai décidé de regagner la
maison à pied, mon tuteur habitant le nouveau quartier de
Marcory ».
Et comme Dieu sait faire les choses, sur le chemin de
retour, il décide d’aller saluer sa tante qui tenait un
restaurant dans sa cour (ancêtre des maquis) non loin du
canal de Marcory. Celle-ci présenta son neveu bachelier
à ses convives. Ceux-ci lui conseillaient vivement de
choisir la branche des Travaux Publics où il y a déficit
d’ingénieurs, l’Etat recherche des bacheliers pour la
nouvelle école des TP.
«Je ne connaissais rien des Travaux Publics mais, déçu de
n’avoir pu bénéficier de la Bourse Jeunes Sciences France,
je partis le lendemain m’inscrire pour l’Enstp d’Abidjan.
Durant ma scolarité à l’Enstp, je fus pris en estime par
le Professeur de Mécanique des sols qui était Directeur
Général du Lbtp. Il me proposea de venir travailler au LBTP
après mon diplôme d’ingénieur.»
A la fin des études, nous étions sept dans notre
promotion. Ce Directeur Général des Travaux Publics
refusa de m’affecter au Lbtp où il n’y avait que des
ingénieurs français. La raison avancée, le premier
ingénieur ivoirien affecté serait le futur Directeur
Général lorsque le poste sera africanisé et il n’est pas
juste qu’un jeune ingénieur qui sort de l’école ait déjà
l’assurance qu’il sera Directeur Général. «Je fus donc
affecté au TP d’Adzopé en octobre 1969.»
Comme Dieu sait faire les choses, vers la fin de l’année
1969, un nouveau Directeur Général des Travaux Publics
est nommé, informé de ma situation, il intervient mais le
Cabinet du ministre maintient sa position… Le nouveau
ministre était l’ancien Directeur Général des TP.
En février 1970, je reçois un message de la Direction
Générale des TP m’informant que je suis affecté au LBTP
en compagnie d’un autre ingénieur ivoirien, un ancien
celui-là, qui devrait être nommé Directeur Adjoint, quant
à moi, j’y vais pour être seulement un Spécialiste, ….
C’est ainsi qu’en février 1970, j’arrive au Lbtp avec «l’ainé.
La tâche ne fut pas facile parce que ces ingénieurs français
avaient un préjugé défavorable. Ayant fait les études
d’ingénieur à Abidjan, pour eux, il n’était pas sûr que nous
soyons à la hauteur. Ce fut pour moi un grand défi à relever.»
A cette époque, il y avait des Ingénieurs Chefs de Service
(Service fondations d’ouvrage et d’immeubles, Service
matériaux de construction béton et autres, Service
routes, géotechnique, dimensionnement des chaussées,
contrôle des travaux, les autres ingénieurs interviennent
dans tous les services en fonction de leur disponibilité.
En 1972, je pars pour un stage de spécialisation
en techniques routières et des bâtiments au Centre
Expérimental du Bâtiment et des Travaux Publics,
CEBTP Paris France. A mon retour début 1973, je fus
nommé Chef de Service des Etudes Routières.
«En 1977, je fus retenu pour aller préparer le nouveau
diplôme créé à l’Ecole des Ponts et Chaussées de Paris.
Celui de Docteur-Ingénieur des Ponts et Chaussées.
De retour en Côte d’Ivoire, je reçus une lettre de félicitations
du gouvernement. Je fus nommé Directeur Adjoint de la
Recherche Appliquée au Lbtp pour quelques mois.»
Après avoir fait valoir ses droits à la retraite en 2001,
docteur Menin a continué de courir sur les chantiers
routiers en Afrique, ainsi de 2005 à 2007. Il est
ingénieur senior pour l’audit technique des travaux
routiers financés par le Fond routier Camerounais pour
le compte d’Apave.
Depuis quelques années, l’entretien routier a été
privatisé dans la plupart des pays africains. Cet
entretien des routes coûte plus cher et cependant, les
routes sont plus mauvaises. Pour faire face à cette sorte
de contradiction, la Banque Mondiale met au point un
nouveau concept appelé Genis (Gestion et Entretien
des Routes par Niveau de Service). Ce concept fut mis
en oeuvre avec succès au Tchad. L’Agepar, Association
des gestionnaires et partenaires africains des routes,
sur financement de la Banque Mondiale recrute un
consultant pour non seulement étudier ce concept mais
le rendre accessible aux PME africaines. Docteur Menin
a été retenu pour cette mission et s’est rendu au Tchad,
ses conclusions ont été adoptées par les pays africains
membres de l’Agepar à Bamako en 2007.
De même des études d’intérêts certains ont été réalisées
par docteur Menin avec l’appui du Fer, telles que :
– Impact et du sous entretien de la route sur l’économie
nationale de la Côte d’Ivoire ;
– Route et Economie Agricole de la Côte d’Ivoire.
Le docteur Menin Messou est aussi un auteur prolixe, qui
a, à son actif plusieurs publications et notes techniques
pour former, instruire, sensibiliser techniciens et usagers
de la route. Sur la liste de 17 publications figurent :
– Eléments de contrôle routier géotechnique-Note LBTP,
1976 ;
– Routes de Côte d’Ivoire 1893 à 2000 ;
– Guides pratiques de Techniques Routières, (Collection
termitière)
– Plusieurs livrets dont :
1- La maison traditionnelle en Côte d’Ivoire ;
2- Dis moi Aka
– Pourquoi la surcharge des camions est-elle un risque
pour la chaussée ?
– Pourquoi la vitesse est-elle dangereuse sur les routes ?
– De quoi souffrent les routes de Côte d’Ivoire ?
3- Détente, évasion dans la merveilleuse région
d’Aboisso.
Les deux derniers ouvrages à paraître en avril 2019 sont :
Notes sur la pratique du contrôle des travaux routiers
(car la mission de contrôle est aussi responsable que
l’entreprise qui exécute les travaux) et Notes sur le
contrôle géotechnique des travaux routiers
« Lorsque vous avez passé toute votre jeunesse à travailler,
arrêter brusquement conduit à la mort ».
C’est pour éviter cette situation qu’à la retraite depuis
2001, le docteur Menin Messou continue de partager
son savoir et son savoir-faire en matière de route. Cela,
à travers le Cabinet de Consultance MENSO Sarl (en
langue Agni, regarder le monde de l’extérieur), situé à
Cocody deux Plateaux dont il est le Directeur Gérant
depuis 2003. Il recrute surtout les jeunes qui sortent
de l’école.
La deuxième retraite…
Le Docteur Menin Messou est né le 30 mai 1944
à Adjouan (Aboisso). Marié à Léontine Konan, ils
ont quatre enfants, dont le dernier est un garçon.
Le Docteur-Ingénieur n’a pas eu la chance de faire
des émules parmi eux puisque personne n’a voulu
suivre ses traces comme Ingénieur route, bien
qu’ils aient tous suivi une carrière scientifique. «
Ce Cabinet, je ne sais comment l’abandonner pourtant
il faut que j’aille au village ».
Son fils ayant choisi de faire carrière comme
Ingénieur Télécom, le sage a dû solliciter sa fille
diplômée en Ingénierie financière pour travailler à
ses côtés et pérenniser son oeuvre.
Les autres enfants sont médecin et ingénieur
statisticienne.
Un petit pincement au coeur, tout de même. Il
s’agit de la perte de ses souvenirs de carrière,
lors des inondations de 2018, à Cocody Riviera.
Heureusement, le diplôme de Doctorat a pu être
sauvé extremis, avec quelques albums photos.
Pour le reste….
Malgré tout, celui qui est fils de pêcheur, ne peut
que rendre grâce à Dieu. Comme l’indique cet
extrait de la Bible qui accueille tout visiteur qui
emprunte les escaliers de son Cabinet :
« L’Eternel est mon berger : je ne manquerai de
rien» (Ps 23,1).
P. N. Zobo




